Edgar Poe, au temps des spectacles de lanternes magiques et des phantasmagories. Baltimore, premiers jours d’octobre 1849, derniers jours de la vie de l’écrivain, pendant les élections des membres du Congrès de l’état du Maryland. Qu’a fait Edgar Poe du 29 septembre au 3 octobre ? Était-il à Baltimore ? Est-il allé à Philadelphie, à New York où il devait se rendre ? Nul ne l’a jamais su. Le précurseur du roman d’investigation criminelle a-t-il été embarqué par des racoleurs d’élections sévissant alors ? A-t-il été soûlé à mort, comme d’autres pauvres bougres, dans quelque bas fond ? A-t-il vu quelque chose qu’il ne devait pas voir ? Un meurtre ? A-t-il été relâché lorsqu’on connût son identité ? Aucune enquête judiciaire ne sera ouverte. Le mystère demeure autour de la mort d’Edgar Poe, prenant l’apparence d’un assassinat.
Polar mental, EDGAR POE DERNIÈRES HEURES MORNES n’est pas une étude ou un essai sur le poète du Maryland mais une fiction inspirée par les écrits de Poe mêmes, un film en surimpressions compilant comme a pu le faire le cinéma, pratiquant le collage (tel qu’il était commenté par Aragon à la sortie de Pierrot-le-Fou dans Les Collages) avec une liberté d’emblée souhaitée par Michel Bulteau, lorsque l’auteur proposa le concept d’un dialogue imaginaire entre Poe et un corbeau par une nuit de coma éthylique. Collages que Poe lui-même assimilait avant tout le monde dans ses textes.
Une dernière nuit bleue (bleu nuit américaine) pour un auteur où le bleu est absent.
Il faut que ce soit du Phil Spector ! avait dit Michel Bulteau à Alexandre Mathis.
L'ouvrage devait sortir dans la collection Les Infréquentables. Après la vente par Jean-Paul Bertrand des Editions du Rocher à un groupe pharmaceutique et des années de blocage, l'auteur n'a plus souhaité que son livre paraisse chez cet éditeur.
La DERNIÈRE AVENTURE EXTRAORDINAIRE est la plus terrible de toutes, les heures voire les jours menant à la mort, invasion de l’imaginaire surgie du gouffre sans fond, tourbillon où les repères du temps s’effacent, où l’acteur ne sait plus où il est - à moins d’être toujours autre part ! partout en même temps !
La vie de Poe orchestrait une suite de fatalités, une accumulation de répétitions, de différences convergentes, de concours de circonstances troublants. Elle semble être écrite comme un roman, avant d’avoir été vécue, jusque dans ce qu’elle a de plus terrible. Les événements qui s’enchaînent dans la vie de Poe déclinent des variations avec une construction romanesque, semblant toute tracée.
À l’heure de vérité, les personnages revivent autour de Poe comme des personnes à part entière, jouant les bouffons. La ronde des fantômes est ouverte.
La littérature a tout été pour Poe.
La vie et l’écriture font corps.
Les affres de l’ivresse agissant comme colorant, noyant le vécu sur lequel se greffent les interprétations rétrospectives, partielles, du souvenir.
L’écriture, matière vivante, dans l’absence, au moment suprême enterre l’acte d’écrire. Solitude de l’écriture. Poe réussit à mourir dans la solitude qu’il cherchait à fuir. Immobilité du corps aidant, l’ego du protagoniste seul n’apparaît plus qu’au travers d’une toile visuelle de rêves sans fin déchirés par le fil du réel. L’éventuelle culpabilité de l’écrit - acte vécu, avec ce qu’il a rejeté - tient peut-être aussi un rôle.
“Le rêveur n’a pas de corps. Il n’est qu’une subjectivité.” Bâti autour de ce principe, Edgar Poe dernières heures mornes est un récit éclaté, tournant autour de mêmes visions de rêves, visions oubliées aussi vite vues. Et si ce rêve - le dernier - ne durait que quelques secondes ? |